INTÉGRATION DE L’IMAGERIE VISUELLE MOTRICE ET DE L’OBSERVATION DE L’ACTION DANS LA PRATIQUE CLINIQUE EN RÉÉDUCATION GLOBALE

Juan Ramón Revilla. Directeur Formation AMIK PGCM

Les kinésithérapeutes qui pratiquent la méthode Mézières utilisent dans leur pratique quotidienne de nombreuses techniques de conscience corporelle basées sur l’eutonie. Nous ignorons souvent leur origine et les fondements scientifiques de ce travail corporel qui se combine si bien avec la kinésithérapie globale basée sur la méthode Mézières.

QU’EST-CE QUE L’EUTONIE ET À QUOI SERT-ELLE?

 

L’eutonie est une pratique corporelle basée sur l’ecoute et l’observation des sensations. Développer une meilleure sensibilité facilite la détente, le mouvement et la posture et enrichit la qualité de vie.

Il a été créé et développé par Gerda Alexander, qui l’a baptisé en 1957 avec des racines grecques : eu (bon, optimal) et tonos (ton, tension). (1)

 

Quels sont les principes de l’eutonie?

 

Les principes sont les suivants:

 

-la conscience de la peau, le toucher consciente,

– expérience du volume du corps (espace interne, tridimensionnalité),

– développement de la conscience de la présence des os et de leur orientation dans l’espace,

– l’expérience du mouvement et la conscience posturale.

EUTONIE, GYMNASTIQUE CONSCIENTE et MÉTHODE MÉZIÈRES

La pratique de la méthode Mézières en combinaison avec les exercices de gymnastique consciente basés sur l’eutonie permet un travail préventif, créatif et communicatif. L’un des objectifs de cette approche thérapeutique globale est de restaurer la fonctionnalité du corps et d’améliorer la conscience corporelle. Un essai clinique a montré que l’amélioration de la conscience corporelle était efficace pour améliorer la perception des douleurs cervicales grâce à des exercices de tai-chi. (2)

 

Sans les nommer comme telles, les techniques de gymnastique consciente ont utilisé, entre autres, les concepts d’imagerie motrice et d’observation de l’action. Les études actuelles en neurosciences ont apporté des preuves scientifiques et ouvert des pistes de recherche dans l’amélioration des douleurs chroniques, l’amélioration du mouvement et du contrôle postural.

 

FONDEMENTS EN NEUROSCIENCE ET PREUVES SCIENTIFIQUES

  • IMAGERIE MOTRICE.

L’imagerie motrice consiste à s’imaginer en train d’effectuer une action sans qu’aucun mouvement réel ne soit exécuté ou visible. Cet état cognitif dynamique permettrait de se figurer une action ainsi que ses caractéristiques temporelles, spatiales, proprioceptives et kinesthésiques.

Il est démontré que l’imagerie mentale s’appuie sur l’équivalence neurofonctionnelle entre l’imagerie et l’exécution réelle. Les aires cérébrales activées lorsque l’on imagine un geste sont très proches de celles activées en exécution de ce même geste. (3)

Ce type d’entraînement active les mêmes zones du cerveau et les mêmes circuits, avec moins d’intensité que si nous faisions les activités, mais avec une puissance suffisante pour améliorer les capacités physiques. Les avantages potentiels de l’imagerie motrice en tant qu’outil de rééducation reposent sur sa capacité à promouvoir l’apprentissage moteur et à améliorer l’excitabilité corticale.

Ces améliorations sont attribuées au développement et à l’affinement de la représentation interne des tâches par l’activation cérébrale impliquée dans l’entraînement à l’imagerie motrice. Par conséquent, ce type de travail sert non seulement d’entraînement indépendant, mais aussi d’entraînement complémentaire au travail physique conventionnel. Cette dernière option serait plus bénéfique pour les capacités physiques des patients en raison de la combinaison de différentes activités et de différentes voies d’activation. (4)

  • OBSERVATION DE L’ACTION

L’observation de l’action consiste à observer attentivement des actions exécutées par des personnes, généralement en bonne santé, comme si elles les exécutaient elles-mêmes par la suite, et peut améliorer l’exécution ultérieure de ces tâches. Il semble que l’observation attentive de ces mouvements puisse favoriser leur répétition ultérieure (5).

L’imagerie motrice, l’observation de l’action et l’entraînement physique peuvent tous renforcer les voies neuronales qui doivent être activées pour exécuter correctement une action.

Certaines études suggèrent que l’utilisation combinée de l’imagerie motrice et de l’observation de l’action peut améliorer les capacités musculaires et diminuer la perception de la douleur. (6)

IMPLICATIONS POUR LA PRATIQUE CLINIQUE

En conclusion, l’utilisation combinée de l’imagerie motrice et de l’observation de l’action peut améliorer les aptitudes physiques (posture et mouvement) grâce à la planification de l’action qui implique un apprentissage préalable avant l’exécution des activités. Cet apprentissage permet d’affiner les circuits cérébraux à suivre pendant l’exécution des actions, ce qui précède une amélioration des capacités physiques, notamment de la conscience du corps et des mouvements fonctionnels.

Nous devons intégrer dans nos séances de kinésithérapie globale des stratégies thérapeutiques comprenant des systèmes individualisés pour chaque patient, intégrant l’imagerie motrice et l’observation de l’action.

 

 

 

  1. https://www.eutonie.com/
  2. Lauche, R., Wayne, P. M., Fehr, J., Stumpe, C., Dobos, G., & Cramer, H. (2017). Does Postural Awareness Contribute to Exercise-Induced Improvements in Neck Pain Intensity? A Secondary Analysis of a Randomized Controlled Trial Evaluating Tai Chi and Neck Exercises. Spine42(16), 1195–1200. https://doi.org/10.1097/BRS.0000000000002078.
  3. Debarnot U, Sperduti M, Di Rienzo F, Guillot A. Experts bodies, experts minds: How physical and mental training shape the brain. Front Hum Neurosci. 2014 May 7;8:280. doi: 10.3389/fnhum.2014.00280. eCollection 2014.
  4. Nicholson V, Watts N, Chani Y, Keogh JW. Motor imagery training improves balance and mobility outcomes in older adults: a systematic review. J Physiother. 2019;65(4):200–7. Available from: https://doi.org/10.1016/j.jphys.2019.08.007DOI: https://doi.org/10.1016/j.jphys.2019.08.007
  5. Peng, T. H., Zhu, J. D., Chen, C. C., Tai, R. Y., Lee, C. Y., & Hsieh, Y. W. (2019). Action observation therapy for improving arm function, walking ability, and daily activity performance after stroke: a systematic review and meta-analysis. Clinical rehabilitation33(8), 1277–1285. https://doi.org/10.1177/0269215519839108.
  6. Larsen, D. B., Graven-Nielsen, T., & Boudreau, S. A. (2019). Pain-Induced Reduction in Corticomotor Excitability Is Counteracted by Combined Action-Observation and Motor Imagery. The journal of pain20(11), 1307–1316. https://doi.org/10.1016/j.jpain.2019.05.00